Alors que les discussions autour de la dette publique française vont inévitablement revenir sur le devant de la scène dans les semaines à venir, il nous apparaît essentiel de faire un point sur cette dernière. Une comparaison avec les autres pays européens s’impose.

Si d’aventure Donald Trump devait être réélu Président des Etats-Unis, l’impact sur les dettes européennes pourrait ne pas être négligeable. Dans son précédent mandat, il avait ouvert les robinets du crédit et porté la dette américaine vers de nouveaux sommets. S’il reproduit une politique similaire, deux conséquences sont à attendre : une remontée des taux d’intérêt et une fragilisation des économies européennes. La première accentuerait le poids des dettes existantes des états européens et pourrait compliquer leurs remboursements / refinancements. La seconde serait la conséquence d’un protectionnisme américain et d’une économie européenne moins armée pour affronter les chocs inflationnistes.

 

La Cour des comptes tire le signal d’alarme sur l’endettement public français

Dans son rapport publié le 17 juillet 2024, la Cour des comptes souligne que le déficit et la dette ont atteint des niveaux critiques. Le rapport explique que les pressions inflationnistes en 2022 et 2023 ont très largement affecté le rebond de l’économie française après la crise du covid. Il pointe l’une des pires dégradations des finances publiques au sein de la zone euro. Les prévisions de croissance économique ont été revues à la baisse de 1% en volume.

Le rapport s’appuie sur une situation arrêtée à fin février 2024. A cette date le gouvernement a abaissé ses prévisions de croissance à 1% pour 2024. Le déficit public, initialement prévu à 4,9% du PIB, s’est établi à 5,5% en 2023 (154 milliards d’euros). Il s’est creusé comparé à 2022 (4,8% du PIB). Cela marque une rupture dans la réduction des déficits publics observée depuis quelques années (8,9% en 2020 année du covid, 6,6% en 2021). Il faut remonter aux années 2009-2010, lors de la crise des subprimes, pour retrouver ces niveaux de déficit. L’accroissement du déficit en 2023 est dû à une moindre progression des recettes publiques (+2% à 1 453,4 milliards d’euros) comparé aux dépenses (+3,7% à 1 607,4 milliards d’euros).

Le montant de la dette s’élevait à 3 101,2 milliards d’euros à fin 2023, ce qui représente un ratio de 110,6% du PIB. A noter toutefois que le ratio continue de s’améliorer en raison d’un effet base (113% un an plus tôt). Il est attendu que le montant de la dette franchisse les 3 200 milliards d’euros au cours de l’année 2024 (3 159,7 au 31/03/2024). Le coût de la dette est attendu en hausse de 10 milliards d’euros en 2024 à 57 milliards d’euros.

Le détail à fin 2023 de la dette en milliards d’euros est le suivant :

  • Etat : 2 513,5 Mds (81%),
  • Administrations de sécurité sociale : 263,7 Mds (9%),
  • Administrations publiques locales : 250,4 Mds (8%),
  • Organismes divers : 73,7 Mds (2%).

 

Le déficit des pays de l’Union européenne a atteint en moyenne 4% du PIB en 2023 (4,1% pour les pays de la zone Euro)

13 pays dont la France dépassent le plafond des 3% fixé par les règles européennes du Pacte de stabilité et de croissance.

Par ordre décroissant, on retrouve : Malte 9,4%, la Pologne 7,4%, la Slovaquie 6,8%, la Roumanie 6,4%, la Hongrie 5,9%, la France et l’Italie 5,7%, la Belgique 5,2%, la Bulgarie 3,6%, la Finlande 3,2%, l’Espagne et la République Tchèque 3,1%, l’Allemagne 3%.

Respectent par ordre décroissant également : le Luxembourg 2,1%, l’Autriche 2%, la Croatie 1,9%, la Lettonie 1,8%, le Portugal 1,6%, la Lituanie 1,3%, la Grèce 1,2%, la Suède 1,1%.

Sont même en excédent : Les Pays-Bas 0%, Chypre +0,6%, l’Irlande +1,3%, et le Danemark +2,6%.

Il n’est pas inutile de rappeler que, si la règle des 3% de déficit a été suspendue de 2020 à fin 2023 en raison des effets économiques de la pandémie de covid, puis du conflit en Ukraine, elle est de nouveau en vigueur depuis le 30 avril 2024.

 

La dette publique des Etats de l’Union européenne est en baisse depuis 2021

Elle s’établit fin 2023 à 13 863 milliards d’euros soit 81,7% du PIB (83,4% fin 2022). Elle demeure toutefois supérieure aux niveaux de 2019, avant les mesures prises pour contrer les effets économiques de la pandémie. La diminution s’explique par le retour de la croissance depuis 2022 mais également par l’inflation, les recettes fiscales étant gonflées.

Des disparités sont cependant aussi constatées : six pays ont une dette supérieure à 90% de leur PIB, le seuil le plus important du nouveau Pacte de stabilité et de croissance révisé en 2024. Les mauvais élèves sont par ordre décroissant : la Grèce 161,9% (bien qu’en baisse de 10,8%), l’Italie 137,3%, la France 110,6%, l’Espagne 107,7%, la Belgique 105,2%, et le Portugal 99,1% (qui a toutefois baissé de 13,3% sur 1 an).

A l’inverse les meilleurs élèves sont : l’Estonie 19,6%, la Bulgarie 23,1% et le Luxembourg 25,7%.

Les Pays-Bas sont à 46,5% et l’Allemagne à 63,6%.

 

Conclusion

Les trajectoires prises par l’Italie, la France, et dans une moindre mesure la Belgique sont problématiques. Des sanctions européennes ne sont pas à exclure dans un avenir proche si rien n’est fait pour redresser la barre rapidement.

Une élection de Donald Trump n’arrangerait clairement pas les choses pour ces 3 pays. Il serait souhaitable qu’ils s’y préparent en anticipant la trajectoire de leurs finances publiques.